Le Précieux...

Article écrit par : Patrice Nadam * Mélanie Fenaert
Première mise en ligne le 26 février 2020
Quand il n’en reste plus qu’un.

Ce n’est jamais très agréable quand les joueurs ne respectent pas les règles du jeu qu’on leur a imposées. C’est le cas lorsqu’il ne reste plus qu’un élément d’une combinaison et qu’ils préfèrent tester les différentes possibilités plutôt que de résoudre l’énigme (voire tout une série d’énigmes) qui les conduira à la solution. Que ce soit un cadenas à chiffres, un cadenas à lettres ou même un cryptex avec des anneaux de vingt-six lettres, il est certes plus rapide de tourner le dernier anneau - le précieux - et de tester l’ouverture. C’est humain, mais tellement peu digne du joueur qui brise le contrat de confiance établi tacitement en début de jeu. Et vous aurez beau avoir précisé dans vos consignes de début qu’il ne faut pas forcer les cadenas, ni chercher à tâtons la combinaison, vous en trouverez toujours, enfants, adolescents ou adultes, qui tenteront de contourner les règles... C’est si tentant ! Mais aussi tellement rageant pour celui qui a conçu le jeu. Voici quelques idées afin d’éviter ce désagrément.

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Prévoir des pénalités

Pourquoi ne pas prévoir des pénalités de temps. Elles devront bien sûr être annoncées lors du discours d’entrée. Cela implique aussi d’intégrer la notion de triche dans votre jeu et vous risquez d’inciter à user de la technique « à tâtons » en cachette du maître du jeu... Avec ce principe, on retombe également dans un schéma de relation prof-élève incluant une sanction qui va à l’encontre de l’idée de plaisir apporté par le jeu.

Certains outils proposent toutefois assez « naturellement » cette possibilité, et renforcent ainsi l’immersion du jeu. Bomb Countdown est un utilitaire à télécharger qui simule le compte à rebours d’une bombe à retardement. On peut paramétrer une pénalité qui réduit le temps avant l’explosion [1] à chaque essai infructueux. On conseillera de se limiter à une minute, pour ne pas décourager les joueurs.

Instaurer un nombre limité de tentatives

En limitant le nombre de tentatives, on diminue grandement l’envie de tester au hasard les combinaisons. Pour les cadenas mécaniques (la plupart utilisés dans les jeux d’évasion), il n’est pas possible de les bloquer automatiquement : il faudra alors que les joueurs testent leurs solutions sous le contrôle du game master. Certains appareils, tels que les téléphones portables et coffres-forts, se bloquent après un certain nombre de tentatives erronées. Mais attention que cela ne se répercute pas sur la fluidité (voire l’aboutissement !) du jeu. Il n’y a rien de plus frustrant, pour le joueur et le game master, que de rester impuissant face à un coffre bloqué durant cinq minutes : c’est très long ! Il est conseillé d’ajouter un message d’avertissement sur l’appareil afin de dissuader les indélicats. Quelques rares cadenas numériques proposent cette option : c’est le cas de Bomb Countdown. Cela est également possible dans Genially, même si ce dernier ne permet pas l’utilisation de variables [2].

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Créer une ultime énigme

Une méthode qui fonctionne généralement bien est de passer par une énigme intermédiaire. Dans ce cas, chacune des énigmes convergentes donne, non pas un élément direct de la combinaison, mais un élément qui sera réutilisé et combiné avec les autres dans une nouvelle énigme.

Par exemple, dans l’escape game Le cirque, chaque énigme fournit un nombre. Les élèves doivent ensuite effectuer un calcul pour obtenir les chiffres de la combinaison finale qui permet d’atteindre la récompense. C’est également le cas dans 100 monstres à l’école pour lequel il faudra suivre tout un algorithme de calcul pour ouvrir le dernier cadenas.
Dans la version allégée de SKP, on obtient trois chiffres qui ne donnent pas directement la combinaison du cadenas du dernier sac. En effet, les trois chiffres correspondent aux cases à noircir d’un QR-code à compléter. C’est la lecture de ce dernier qui fournira le code à afficher. Attention cependant, la tolérance (liée à la redondance) des QR-codes a permis sa lecture alors qu’il était incomplet. Lors d’une session de jeu, nous nous sommes retrouvés dans une situation similaire à celle que nous tentions d’éviter. Cependant, le dernier sac nécessaire pour compléter le QR-code contenait un autre élément indispensable pour terminer l’escape game.

Dans Les encapsulés, la dernière énigme fournit le mot de passe qui délivrera l’enseignante coincée dans sa capsule vidéo. Il s’agit d’une grille réunissant les trois mots découverts grâce à trois séries d’énigmes. Par la suite, il faut réaliser un parcours “à travers” cette grille pour piocher certaines lettres et obtenir le code à saisir. Cependant, là encore, certains joueurs ont trouvé par déduction le code sans avoir récupéré tous les mots. On peut facilement remédier à ceci en choisissant un mot inexistant dans le dictionnaire et surtout sans rapport avec le thème du jeu (mais c’est dommage).

Décomposer par blocs / lots / paquets la combinaison

Une autre astuce est que les énigmes ne donnent pas chacune un élément unique de la combinaison mais un bloc de cette dernière, comme par exemple deux ou trois chiffres d’une combinaison à cinq chiffres. Cela réduit d’autant le nombre de dernières énigmes et nécessite de réorganiser l’ensemble du jeu pour conserver le nombre total d’énigmes, mais augmente le nombre de possibilités pour trouver les deux ou trois dernières inconnues.
Comme nous l’expliquions dans l’article Un cadenas à trous, on peut détourner l’outil LearningApps pour réaliser un tel cadenas, mais malheureusement il n’est pas possible de supprimer l’affichage de la réponse au bout de trois tentatives.
Une méthode comparable est de ne pas proposer en fin de jeu un cadenas, mais un formulaire à remplir comme par exemple dans les escape games La recette du Bonheur et Missing or not missing.

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Brouiller les codes

Les roues de décodage (Roue César, Cod’codec...) servent à déchiffrer des éléments dans les énigmes. Mais avez-vous pensé à les utiliser pour brouiller les combinaisons ? Dans l’une des salles des Brigades du musée, les joueurs doivent non seulement multiplier les chiffres récupérés, mais aussi, avant l’opération mathématique, les passer à la moulinette d’un disque de codage qui transforme chacun des nombres.
De la même manière, dans les Gardiens du Savoir-, une des lettres du cryptex nécessite l’utilisation des Rouillages. Une des énigmes étant assez difficile (pourtant une simple histoire de calque et de superposition), il arrive que les joueurs tentent de passer outre sa résolution : nous sommes à deux doigts de modifier le final et d’utiliser les Rouillages pour l’ensemble des cinq lettres du code.

Protéger par un mot de passe

Le code final peut très bien être fourni par une énigme à laquelle on accède par un mot de passe, voire un identifiant et un mot de passe ! Cela peut être un accès protégé à un fichier local ou en ligne (Lockee propose ce type de cadenas). On peut voir ici les possibilités d’imbrication : une énigme donnera l’identifiant, une autre le mot de passe, l’adresse du fichier peut être découpée et obtenue par autant d’énigmes résolues, le nom du fichier peut être aussi chiffré... En multipliant ainsi les chemins vers la solution, on réduit le risque de triche.

Répartir entre différents groupes

En faisant jouer plusieurs groupes en parallèle, on peut les placer en compétition ou leur imposer de collaborer en proposant autant de cadenas que de groupes pour ouvrir l’ultime boîte.
On peut aussi, comme le propose Gaëtan Steelandt dans Pandora, organiser le jeu pour que chaque équipe n’obtienne qu’une partie du code. On retrouve aussi cette astuce dans Mystère à Spa.

Ainsi, plusieurs méthodes s’offrent à vous pour éviter ce petit moment désagréable. L’accueil des participants contribue lui aussi à une certaine mise en condition, une phase de prise de connaissance des règles du jeu et d’entente tacite ou explicite pour ne pas les rompre. Cela montre toute l’importance qu’il faut apporter à l’introduction au jeu. On pourrait même dire « l’introduction DU jeu », tant l’accueil des participants fait partie de l’escape game. Il ne faut surtout pas négliger cette étape. Quoiqu’il en soit, malgré toutes les précautions que vous aurez prises, il y a de fortes chances qu’une mésaventure semblable vous arrive un jour ou l’autre. N’oubliez pas qu’il s’agit tout de même d’un jeu, pas d’une situation scolaire classique ! Une certaine dose de « triche » peut être tolérée… Pour vous y préparer, allez donc faire un tour sur notre article Tricher c’est (pas) jouer.

[1Explosion virtuelle et à imaginer, car le compteur ne fait que s’arrêter.

[2Article à paraître.