Favoriser l’intelligence collective

Article écrit par : Patrice Nadam
Première mise en ligne le 26 mai 2018
Permettre la fusion des cerveaux.

Avant l’entrée dans la salle, un maître du jeu se doit de rappeler les consignes de l’escape game, notamment celles concernant la communication et la collaboration au sein de l’équipe. Cependant, enfermer une dizaine de personnes dans une pièce ne suffit généralement pas à générer de l’intelligence collective. Pour le créateur du jeu, le défi est le suivant : comment réussir à faire travailler tout un groupe qui doit, en un laps de temps réduit et parfois sans se connaître en amont, s’organiser, s’entraider, coopérer et collaborer afin d’atteindre l’objectif commun qu’on leur a fixé.

L’intelligence collective est l’art de maximiser simultanément la liberté créatrice et l’efficacité collaborative (Pierre Levy)

Habituellement, en classe, on répartit les élèves par petits groupes de 2 à 5, auxquels on fixe un ensemble de tâches. Dans un escape game pédagogique, on est souvent amené à constituer des groupes plus importants, d’une dizaine de joueurs en général, avec l’obligation pour chacun de trouver seul sa place. C’est là que la scénarisation du jeu prend toute son importance. Non pas l’histoire ou la mise en situation qui, pour sa part, a un pouvoir motivant sur les participants, mais plutôt le cheminement, l’organisation des énigmes, qui influent sur la fluidité du jeu bien sûr, mais aussi sur la collaboration entre les joueurs.

Lorsqu’on construit son scénario, on doit imbriquer des énigmes, c’est-à-dire que certaines d’entre elles nécessiteront l’apport de plusieurs autres énigmes afin d’être résolues à leur tour. Classiquement, c’est le message codé qui dépend de deux résolutions précédentes, l’une fournissant le principe du code, l’autre la clé de décryptage. On peut également y rattacher les énigmes numériques nécessitant d’une part l’identifiant, d’autre part le mot de passe pour se connecter à un service, ouvrir une session ou lancer une application. Impossible d’avancer si les deux énigmes n’ont pas été résolues et si, justement, les participants ne communiquent pas et ne partagent pas leurs découvertes.

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L’imbrication plus ou moins importante des énigmes jouera sur la complexité du scénario. Ce dernier peut être simple, mais il faut surtout éviter qu’il ne soit linéaire avec des énigmes emboîtées : la résolution d’une énigme A donne accès à l’énigme B qui permet d’accéder à l’énigme C etc. En effet, les joueurs restent alors toujours groupés [1]. Si cela est sans conséquence avec des équipes de deux ou trois joueurs, la modalité de type « chasse au trésor » est moins efficace avec un effectif plus important. Il est donc préférable à des moments donnés, voire même dès le début du jeu, de permettre l’accès à plusieurs énigmes en parallèle [2], ce qui entraînera une répartition des joueurs et nécessitera une mise en commun ultérieure de leurs découvertes, une fusion des cerveaux.

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Pour amplifier ce phénomène d’éclatement de groupe, dispatcher les indices dans la salle est un bon moyen et permet de distribuer « naturellement » des missions aux différents joueurs. Pour faciliter la communication, on prendra garde cependant à adapter la disposition du mobilier, et des éléments du jeu, à l’effectif de l’équipe. De même, il est conseillé de prévoir un point de regroupement où les indices récoltés pourront être centralisés et les idées échangées.

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Tous les membres de l’équipe doivent pouvoir se retrouver dans le jeu afin de participer pleinement au partage et à la construction de l’intelligence collective. Proposer une bonne diversité d’énigmes permet d’offrir à tous une possibilité de « briller » à un moment ou un autre du jeu. Il faut donc des énigmes de logique, d’observation, de manipulation... Certaines peuvent d’ailleurs imposer une coopération réelle, une interaction entre joueurs, pour être résolues, comme par exemple des mécanismes (virtuels ou réels) devant être actionnés au même moment et nécessitant l’intervention de deux personnes.

Cependant, même quand toutes les conditions sont réunies, il arrive parfois que les joueurs ne communiquent et ne collaborent pas. Ce sera alors le rôle du maître du jeu de leur rappeler qu’ils constituent une équipe et qu’ils doivent échanger pour réussir. Il pourra également inciter certains à partager leurs découvertes ou à leur faire répéter haut et fort ce dont ils ont besoin.

[1Sans compter les risques de blocages et la sensation de monotonie qui peut en découler.

[2On parlera ici de scénario convergent.