Kadvael Derrien
Première mise en ligne le 8 octobre 2022
Kadvael Derrien est un jeune professeur d’Histoire-Géographie en Seine-Saint-Denis qui, depuis 2020, conçoit des jeux numériques sous Genially pour ses collégiens. Son site éponyme, récemment créé, catalogue déjà un grand nombre de jeux de la Sixième à la Troisième, tant en Histoire qu’en Géographie.
On y trouve des supports de cours et exercices de révisions sous forme de classiques quiz, de jeux de paires, d’images et de frises interactives. Des jeux plus complexes sont aussi proposés comme des enquêtes et jeux de pistes à la façon des histoires dont vous êtes le héros, ou encore des formats entre murder party et escape game. Du point de vue technique, Kadvael met aussi en œuvre une utilisation poussée des extensions S’CAPE.
Tous ces éléments nous ont donné envie d’en savoir plus sur son parcours professionnel, ses pratiques pédagogiques et l’accueil que leur réservent ses élèves. Kadvael Derrien a accepté de se prêter au jeu de l’interview... à ses risques et périls !
— Depuis quand enseignez-vous l’Histoire-Géographie ?
— J’entame ma troisième année de titularisation en Seine Saint-Denis après une année de stage en Bretagne. Je suis TZR [1] sur la zone de Bobigny, où j’ai enseigné déjà dans quatre collèges REP du secteur.
— Comment vous est venue l’idée de créer des jeux pour tous vos niveaux ?
— Dès mon année de stage, j’ai élaboré plusieurs jeux de plateau plutôt à l’ancienne avec découpage, coloriage, plastification, etc. J’ai même réalisé mon mémoire de M2 MEEF sur l’apport d’un jeu de situation pour l’apprentissage de la métropolisation en Quatrième.
Or lors de cette année en mars 2019, année du COVID, la mise en place du distanciel m’a obligé à chercher des solutions pour proposer des jeux à distance et c’est ainsi que j’ai découvert votre site.
Je me suis emparé de l’outil genial.ly pour transposer en version interactive une murder party dont j’avais préparé le scénario pour être joué en classe par mes élèves de Cinquième, Enquête au Vatican.
Cela a été une véritable révélation, et pour continuer d’explorer les possibilités de l’application j’ai immédiatement poursuivi avec d’autres supports. Dès ce premier jeu, j’ai eu des retours très positifs des élèves... et même des parents qui m’ont avoué avoir joué avec leurs enfants !
— Pourquoi avoir choisi exclusivement Genially comme support de vos créations numériques ?
— Pour des raisons esthétiques. J’ai testé un peu LearningApps qui est beaucoup plus rapide à utiliser mais beaucoup moins malléable, or j’essaye d’apporter beaucoup de soin à la cohérence des chartes graphiques que j’utilise pour chaque support. Genially permet vraiment de faire beaucoup de choses, je ne pense pas encore avoir fait le tour des toutes ses possibilités. Et surtout, les extensions S’CAPE augmentent encore le nombre de possibilités, notamment quand on commence à essayer de combiner des extensions différentes ensemble.
— Quelles extensions utilisez-vous le plus ?
— L’extension que j’utilise le plus est sans conteste le DND qui permet plein de jeux d’association que l’on peut décliner de multiples façon et insérer dans des jeux comme dans des supports de révision.
Ensuite j’aime utiliser TAKIT qui permet d’insérer des variables, elle est beaucoup plus délicate à utiliser mais elle permet des choses passionnantes. Par exemple ma première version du jeu de piste à choix multiple À la recherche du trésor égyptien, destiné aux élèves de Sixième, contenait plus d’une centaine de pages pour satisfaire toutes les variables possibles, puis grâce à TAKIT j’ai pu réduire le Genially à une trentaine de pages. [2]
J’utilise également souvent l’extension Télatérepala notamment pour des besoins de scénarisation dans les pages, COUISE de temps en temps mais je suis refroidi par l’esthétique des champs de réponse blancs difficilement modulables... [3] Et bien sûr, le Gicode pour tous les escape games, qui permet de gagner un temps fou par rapport à la première technique que j’avais trouvée qui consistait à reproduire la même page pour chaque étape du code.
J’ai oublié StarFil qui permet également de nombreuses choses grâce à ses différents feedbacks, et qui répond à la fois à des besoins pédagogiques et esthétiques. Par exemple, dans À la conquête du Nouveau Monde pour le niveau Cinquième, StarFil permet de tester les joueurs sur les étapes du commerce triangulaire tout en faisant apparaître au fur à mesure ce fameux triangle sur la carte.
J’aime aussi ajouter des Bloc-Notes et des STORE qui, même s’ils ne sont pas nécessaires à la ludification, fournissent un petit plus qui rend les supports plus professionnels. D’ailleurs je couple souvent les deux pour rendre le bloc-note escamotable selon les besoins.
— Quel est votre avis en général sur les extensions de S’CAPE ?
— J’adore les extensions, je ne conçois plus de faire un Genially sans extension et j’aimerais avoir plus de temps pour explorer vraiment toutes les possibilités de chacune. J’ai tendance pour des soucis de temps à me reposer sur celles que je maîtrise bien, alors que je suis sûr que d’autres sont tout aussi intéressantes, notamment en les détournant de leur usage premier. Par exemple, j’ai testé dans À la conquête du Nouveau Monde le CNC couplé à un minuteur et les animations entrée-sortie pour faire un exercice de tir sur des fauves dans la jungle.
— Comment réagissent vos élèves ?
— Pour être honnête, les premiers Genially de l’année les déstabilisent, ou ils ne vont tout simplement pas les voir considérant que c’est du travail. Il faut donc attendre qu’ils s’habituent un peu au fonctionnement des Genially et qu’ils se rendent compte que c’est du travail mais sous forme ludique pour obtenir plus de succès.
À partir de là, je dirais qu’il y a trois catégories :
- les élèves (souvent très bons) qui sont ravis d’avoir ce type de support comme ils seraient ravis d’avoir n’importe quel autre type de support ;
- les élèves (souvent moyens parfois même en difficulté) qui apprécient vraiment ce type de support et se rendent compte qu’ils apprennent mieux grâce à eux (notamment grâce à la scénarisation, les petits défis, etc.) qu’avec des supports classiques... et souvent ils en redemandent !
- et enfin les élèves blasés ou en décrochage qui ne font pas d’effort pour faire les jeux et donc passent complètement à côté.
— Vous leur proposez vos supports en classe ou à distance ? Comment exploitez-vous les « grands » jeux, comme les escape games, en lien avec vos cours ?
— Je propose toujours le support en amont en devoir par un lien sur le cahier de texte ou un renvoi à mon site, mais nous refaisons le jeu ensemble en classe au vidéoprojecteur. Loin d’être inutile, cela permet trois choses : que ceux qui n’ont pas d’ordinateur ou de smartphone (et j’en ai toujours un certain nombre en REP) puissent quand même découvrir le jeu, que ceux qui ne sont pas allés le voir soient bien forcés de participer avec nous, et surtout, en avançant ensemble à l’oral, de revenir sur ce qu’on apprend, ce qu’il faut en retenir, etc. À noter que ceux qui l’ont fait chez eux sont ravis de le refaire en classe et de montrer qu’ils ont trouvé les solutions, les pièges etc.
J’accompagne souvent les grands jeux (escape game, murder party) d’une consigne de rédaction leur demandant de raconter ce qu’ils ont appris grâce au jeu, parfois même en devant se mettre à la place d’un personnage (explorateur, policier...), et que je note en bonus pour ne pas pénaliser ceux qui n’ont pas d’équipement numérique.
Parfois ce n’est pas une rédaction mais un tableau à remplir avec les indices et éléments trouvés et leur déductions et résultats. D’autres fois ils doivent m’envoyer une capture d’écran de la dernière page où apparaît leur score quand il s’agit d’un Genially où il faut amasser des points, des récompenses, des pièces, etc.
Certains Genially, notamment les quiz, sont donnés en ligne juste pour aider à la révision, et d’autres sont des diaporamas interactifs que j’utilise pour dérouler mon cours.
Pour finir, j’ai remarqué que les autres escape games numériques que j’ai pu tester, notamment via le site S’CAPE, étaient volontairement sans aide ou possibilité de continuer si on ne trouve pas la solution. Je sais bien que c’est la base recommandée dans tous les livres sur le sujet, mais j’ai fait le choix dans mes jeux de toujours apporter une aide, un coup de pouce, une indication pour aider ceux qui seraient bloqués [4]. Et parfois même la possibilité de passer à l’étape suivante si l’étape n’est pas résolue car mes élèves sont souvent en grande difficulté.
Je pense qu’ils apprendront plus en pouvant avancer dans le jeu, même s’ils ne trouvent pas tout eux-mêmes, qu’en restant bloqués dès les premières étapes, et je pars du principe que ceux qui veulent tricher trouveront toujours un moyen de tricher. D’ailleurs n’oublions pas qu’il s’agit bien de jeux – certes pédagogiques et pouvant compter comme bonus – et que ce ne sont pas de vraies évaluations.
Merci à Kadvael pour la richesse de cet entretien !
Nous ne pouvons que conseiller à nos collègues d’Histoire-Géographie de fouiller son site et d’exploiter son contenu si varié. Vous retrouverez ci-dessous une liste de ses « grands jeux ».
En Sixième, catégorie Histoire
À la recherche du trésor égyptien
En Cinquième, catégorie Histoire
La ville médiévale
À la conquête du nouveau monde
Enquête au Vatican
En Quatrième, catégories Histoire et Géographie
Napoléon Bonaparte : du Consulat à l’Empire
Enquête au Creusot
À la recherche de la touriste disparue
Enquête à bord
En Troisième, catégories Histoire et Géographie
La France pendant la Seconde Guerre Mondiale
Cuba 1962
Aménagement du territoire : le cas de la LGV Sud Europe Atlantique
[1] Titulaire en zone de remplacement.
[3] NDLR : le design des champs de texte du Couise est pourtant bien modifiable, grâce à l’outil InputCreator intégré au Genially à télécharger avec l’extension.
[4] Notre article Ne quittez pas, un agent va vous répondre ! vous offre un panel d’aides automatiques à glisser dans vos Genially.
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Auteur du logo de l’article : Andrzej Rembowski (Pixabay)