Créer SON énigme

Article écrit par : Patrice Nadam * Mélanie Fenaert
Première mise en ligne le 15 mai 2018
Mise à jour le 1er mai 2018

Définition

Un des sens du mot énigme est celui correspondant au jeu d’esprit où l’on donne à deviner une chose présentée volontairement de façon obscure. On retrouve bien là les caractéristiques des énigmes à proposer dans un escape game, puisqu’elles sont appelées à mettre à l’épreuve la sagacité des participants.

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De ce fait, l’énigme n’est pas un exercice classique d’une activité scolaire. Ce n’est surtout pas une question fermée pour laquelle est attendue LA bonne réponse de la part de l’élève. Ce serait plutôt une question ouverte où l’on demande d’analyser un document, un objet, mais sans consigne précise. Cela peut d’ailleurs être également une action à effectuer pour trouver une solution au problème.

Peu importe le cheminement, l’essentiel est de résoudre l’énigme. On peut y parvenir par tâtonnements, par essais-erreurs, même si on peut être amené dans certains cas à limiter le nombre de tentatives voire à n’en autoriser qu’une seule. Et, à plusieurs, les erreurs des uns sont autant de pistes vers une solution pour les autres.

L’absence de consigne ne signifie pas qu’on ne guide pas le joueur. Il est important qu’il comprenne ce qu’on attend de lui, ce qu’il doit trouver : un mot, un chiffre, un code… L’énigme doit être assez explicite pour le permettre, mais les coups de pouce peuvent/doivent être envisagés pour pallier cette absence d’instructions ou aider en cas de blocage. Il est possible de préparer des aides graduelles selon les difficultés rencontrées ou l’âge des participants.

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Par où commencer ?

On nous demande souvent de l’aide pour créer des énigmes… Or une énigme est une chose très personnelle. Elle dépend du scénario que l’auteur a en tête et de la manière dont il souhaite l’y intégrer. La sensibilité, les envies, le vécu et la culture personnelle du créateur du jeu ont aussi leur importance, de même que la discipline visée et la place de l’escape game dans la progression. Il ne faut pas non plus oublier de diversifier les énigmes d’un escape game afin de permettre à chacun de trouver sa place dans le jeu. Ainsi, en variant le type [1] d’activités, on évite aussi l’installation d’une certaine monotonie au sein du jeu.

L’escape game étant ici pédagogique, il est bon de partir des notions ou des apprentissages que l’on veut développer chez les élèves. Est-ce une notion, un concept, un mot, une compétence… ? Sélectionnez les exercices et/ou activités classiques que vous voudriez proposer et recherchez la façon dont vous pourriez les transformer en énigmes. Supprimez la consigne et vérifiez que l’objectif peut être trouvé intuitivement ou par raisonnement, sinon adaptez le document afin de rendre compréhensible l’attendu… [2] Créez des indices en lien direct avec l’énigme ou apportés par la résolution d’une autre énigme : c’est ainsi que l’on construit l’organigramme du jeu.

Inversement, on peut vouloir réutiliser des énigmes que l’on a vues ou vécues. Vérifiez cependant qu’elles soient transposables à votre discipline et à votre scénario. Il est essentiel en effet de conserver une cohérence entre les énigmes, le thème et l’objectif visé.

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Les points de vigilance

Une énigme ne doit pas être gratuite ! Si l’adapter à votre discipline ou au programme est difficile, elle peut être utilisée comme énigme transitoire qui apportera un indice intermédiaire sans être en lien parfait avec le thème de votre jeu. Évitez tout de même les anachronismes.

Le cheminement vers la résolution de l’énigme est souvent plus important que la solution elle-même. Pour les codes, il est plus intéressant (surtout pour les plus grands) de faire découvrir le mécanisme de correspondance plutôt que de proposer la simple application d’une grille existante. Il est préférable que les joueurs comprennent d’eux-mêmes la clé du code plutôt que de la leur fournir afin de réaliser le décryptage : gardez-la pour en faire un coup de pouce !

De même la résolution ne doit pas être trop longue, au risque de décourager les participants : on peut demander de décoder un ou deux mots, voire une courte phrase, mais pas tout un texte.

Une énigme doit être utile. Par exemple, faire décrypter un long message codé pour n’obtenir qu’une simple information que les joueurs trouveront par ailleurs est contre-productif.

Une énigme peut nécessiter l’utilisation d’outils numériques : lecture d’un QR-code, de réalité augmentée, de cartes Plickers… Parfois même, le détournement des fonctionnalités d’une application ou d’un logiciel peut constituer l’énigme à part entière comme, par exemple, l’utilisation des styles du traitement de texte pour masquer une partie du texte ou la recherche de l’abonnement à une chaîne de l’application HP Reveal. Dans un escape game virtuel, les énigmes sont forcément numériques et miment des situations réelles.

Testez l’énigme auprès de cobayes, plusieurs cobayes… car chacun réagira différemment. Il n’est pas nécessaire que tous les joueurs / testeurs parviennent facilement à la résolution de l’énigme. En effet, l’escape game est un jeu avant tout collaboratif et coopératif : les compétences variées des participants se combinent et se compensent, on mise sur l’intelligence collective pour parvenir au but ultime. Il faut veiller à équilibrer le niveau, le degré d’adaptabilité, de l’énigme : trop difficile ou inaccessible au plus grand nombre, elle sera décourageante et dommageable du point de vue cognitif ; trop facile, elle sera décevante, et n’apportera rien aux apprentissages [3].

On peut conseiller de créer des énigmes a priori difficiles, du moins résistantes à l’évidence, et en fonction des réactions des testeurs d’ajuster les indices ou les coups de pouce. Ceux-ci resteront plus ou moins sibyllins, pour préserver la sensation de réussite des joueurs. À l’inverse, on peut souhaiter conserver une énigme facile sans la complexifier. Elle donnera en effet le sentiment de progression et pourra en rassurer certains. Pour en rendre l’accès un peu plus difficile, il est alors possible de la « noyer » (elle ou les indices menant à sa résolution) parmi des leurres.

Une solution à une énigme est souvent inattendue et peut être parfois déroutante, voire provocante. N’oubliez pas non plus l’humour qui apporte le piquant supplémentaire à la quête et peut renforcer le plaisir que ressentira, il faut l’espérer, le participant. La jubilation de la réussite permettra de rebooster la motivation des joueurs, de relancer éventuellement le jeu s’il tendait à s’essouffler, et favorisera la mémorisation du cheminement ayant mené à la résolution de l’énigme.

Vous offrez votre création aux participants : la meilleure énigme sera celle qui vous ressemble, que vous aurez inventée de toutes pièces, et qui fera réagir les joueurs avec qui vous aurez partagé une partie du fonctionnement de votre cerveau.

[1Voir notre typologie des énigmes.

[2Un exemple concret de création d’une énigme dans notre article On a créé une énigme.

[3On peut se référer ici au concept de zone proximale de développement de Vygotsky : offrir un vrai défi réaliste à l’élève le met dans une situation d’apprentissage qui lui permet de se mobiliser. La résolution en équipe lui offre la possibilité de s’illustrer ou d’apprendre au contact d’un « expert », qui ne sera pas nécessairement d’ailleurs le « bon » élève. On fait ainsi le pari que ce que l’enfant est en mesure de faire aujourd’hui en collaboration, il saura le faire tout seul demain.