Construire un escape game à onze ans, c’est possible !
« Il est aujourd’hui nécessaire de mener une éducation aux médias et à l’information vivante, qui permette à l’élève d’être acteur de son apprentissage. »
C’est dans cette perspective que Marion Utéza et Mélody Chapas, professeures-documentalistes, ont proposé un défi de taille à leurs jeunes élèves de Sixième : créer un escape game dans le cadre de l’EMI et du parcours citoyen. Mission des enseignantes : rendre l’élève acteur, encourager sa créativité dans un environnement ludique… et la modalité escape game répond parfaitement à leurs objectifs pédagogiques. Il s’agit d’allier les enjeux de l’information et la ludification.
Si une classe complète participe, le travail collaboratif constitue le socle du projet. Chaque groupe d’élèves apporte sa pierre à l’édifice. La tâche est ambitieuse : créer un jeu ensemble pour faire apprendre (aux autres).
Pour encourager rapidement les phases réflexive et collaborative, les premiers éléments du scénario sont présentés aux Sixièmes : des robots ont pris en otage les élèves et personnels de l’établissement. Ils sont enfermés au CDI…
Une mise en appétit s’opère par le visionnage d’une vidéo sur l’intelligence artificielle. Le thème n’est pas choisi au hasard, l’IA est un sujet d’actualité. Il est aussi question de comprendre le développement et les finalités du concept, ainsi que les inquiétudes qu’il suscite. La vidéo de lancement du jeu en témoigne : la menace d’une gouvernance des machines sur l’Homme plane. La scénarisation et l’ambiance du jeu, ancrées dans la science-fiction, sont bien pensées et motivantes pour les futurs joueurs.
Le scénario élaboré, chaque groupe est invité à se positionner sur l’une des thématiques retenues par leurs professeures.
Au programme : recherche documentaire, fake news et identité numérique… Chaque équipe réfléchit à un défi simple en fonction de la notion retenue. Pour les aider, un mur de ressources leur est proposé. Il présente les différentes étapes du projet tel un carnet de bord. Les apprentis-concepteurs y trouveront également des documents explicatifs et l’ensemble des notions et compétences à mobiliser lors de l’escape game.
« Il fallait donc : définir ce qu’il fallait trouver, choisir une mise en action, la réaliser et enfin vérifier auprès des autres groupes son bon fonctionnement. »
Les élèves s’imprègnent des thématiques par la lecture de documents, et comme le souligne Marion, c’est lors du passage à la création des énigmes que les premières difficultés apparaissent. Certains groupes stagnent du fait de la complexité inattendue de la tâche : traduire une notion en énigme.
Pour y remédier, les deux enseignantes ont recours à l’oral : permettre aux Sixièmes de mettre en mots leurs idées, pour les aider à mieux les conceptualiser et tenter ensuite l’élaboration des énigmes. Pas simple pour les jeunes élèves qui sont davantage habitués à vivre des expériences de jeu, et difficile pour eux d’appréhender ce rôle de créateur d’escape game. L’hétérogénéité des groupes a demandé aux enseignantes un accompagnement modéré pour certains, qui ont poursuivi le travail en autonomie, et plus soutenu pour d’autres. Mais tous ont produit des énigmes et ont relevé le challenge. Les élèves se sont rendus disponibles lors de la semaine culturelle au collège afin de finaliser le défi.
Place au jeu : "recherche de contact... Contact établi"
Vous recevez un message urgent sur votre ordinateur. Des robots dotés d’une intelligence artificielle ont piraté le système de sécurité du collège, afin de voler les données personnelles des élèves. Les portes automatiques sont bloquées, vous êtes retenus prisonniers au CDI. Toute tentative d’évasion serait un échec. Seul les mots de passe générés par les machines permettent d’ouvrir les portes.
Par chance, la professeure-documentaliste a réussi à intercepter certaines communications et a déchiffré les mots de passe. Se sachant surveillée, elle les a dissimulés, par sécurité, aux quatre coins du Centre de ressources. Elle compte sur votre ingéniosité pour les retrouver.
Le support final est réalisé avec Genially. Les Sixièmes proposent un défi 100% numérique à leurs camarades. Un parcours de cinq épreuves attend les joueurs, constituant autant de visites des différents espaces du CDI. Les élèves évoluent donc dans cinq salles et à chaque étape, une procédure identique : une vidéo réalisée avec Powtoon les informe de la marche à suivre et leur indique leur mission.
Dans chaque salle, une fouille permet d’accéder aux divers indices-coups de pouce (matérialisés ici par des ampoules). Un cadenas complète le décor et renvoie à un digicode ou clavier, afin de saisir le mot de passe et accéder à l’étape suivante.
Les énigmes sont diverses et empreintes d’EMI. Il s’agit par exemple de retrouver un livre documentaire au CDI en déduisant sa cote. Un quiz conçu avec l’application Learning apps permet de consolider les notions relatives au droit à l’image. Les Sixièmes vont aussi tester leur aptitude à vérifier la validité de l’information par l’exploitation de six brèves journalistiques, mais aussi découvrir les fonctionnalités d’un moteur de recherche et légender une frise chronologique afin de matérialiser les étapes. Une dernière énigme consiste à remonter à la source d’une actualité et vérifier s’il s’agit d’une info ou d’une intox.
Les joueurs devront être attentifs : chaque réponse leur fournit des éléments composant les cinq mots de passe. Mais leurs camarades bienveillants le leur rappellent avant chaque épreuve.
C’est donc un défi virtuel, ludique, mêlant fouille et passage de salle en salle à la manière des escape rooms, qui est proposé par les Sixièmes. La notion d’évasion est bien reproduite ici. Le joueur progresse dans l’univers du CDI. Il manque peut-être une pression du temps supplémentaire via la présence d’un chronomètre, néanmoins le contexte et l’ambiance de jeu font que chacun désire rapidement mettre fin à cette prise d’otages par les robots. Les joueurs ne peuvent donc qu’adhérer au concept et ce dès le lancement de la vidéo, qui les interpelle et les motive dans l’accomplissement de leur quête.
Si le défi peut paraître très guidé, limitant les tentatives d’essais/erreurs par l’ajout de consignes, les deux enseignantes encouragent le développement d’une pratique réflexive chez leurs élèves. Marion et Mélody ont su instaurer une ambiance de travail motivante par une entrée en la matière avec l’intelligence artificielle. Les groupes ont mis à profit leurs compétences sociales : écoute, échanges, communication, capacité d’organisation. Une participation active qui a notamment permis de les faire réfléchir et une occasion d’aiguiser leur sens logique lors de la création des énigmes. Celles-ci correspondent à des activités ludifiées et permettent de vérifier les acquis des élèves durant la phase de découverte, qui peut se réaliser seule ou à plusieurs.
« Le bilan est positif en raison du retour et de la fierté des élèves.”. Si le jeu est perfectible sur de nombreux points, les réalisations sont celles des élèves qui ont réussi à produire en dépit des difficultés. »
En effet, créer un escape game ne s’improvise pas. Il aurait été possible d’envisager une phase immersive : faire vivre un défi-évasion aux élèves de façon à ce qu’ils puissent percevoir concrètement les attentes du projet. Une activité de création d’énigmes à partir d’une batterie d’exercices peut aussi être une occasion de les initier à ce type de tâche : « je souhaite arriver à tel résultat, sans consigne… », des lectures peuvent être proposées également... La définition d’une énigme est difficile à appréhender, tant elle est variée par la typologie qu’elle propose et parce qu’elle appelle à la résolution, et donc à la mise en oeuvre de stratégies pour aboutir à la solution. Tout un schéma à anticiper et à se représenter.
Faire créer un escape game à des élèves de cycle 3 est un véritable challenge. Marion et Mélody ont proposé un projet stimulant où chacun s’est impliqué et dont le résultat a enthousiasmé autant les créateurs que les joueurs.
le 5 juillet 2018
Scénario annoncé | ✓ |
Amorce audiovisuelle | ✓ |
Final marqué | |
Organigramme | |
Scénario convergent | |
Imbrication | |
Étapes | ✓ |
Énigmes variées | ✓ |
Fouille | ✓ |
Puzzle | |
Cadenas | ✓ |
Outils numériques | ✓ |
Décor | |
Ambiance sonore | |
Effets spéciaux | |
Consignes réduites | |
Coups de pouce anticipés | ✓ |
Débriefing anticipé | |
Check-list proposée |
Le défi a été relevé en deux heures hors mise en forme avec Génially, c’est pourquoi il n’y a pas eu de temps préparatoire de présentation d’escape games ou d’énigmes.
Le jeu a été conçu par chaque équipe d’élèves, accompagnée de leurs enseignantes. Chaque étape (chapitre ici) correspond à une image interactive créée avec l’outil Génially. Le joueur évolue et progresse ainsi grâce à une succession d’images interactives.