La chambre des deux infinis
La Chambre des deux infinis est le premier escape game proposé par la Cité des Sciences et de l’Industrie à ses visiteurs. Nous avons eu le plaisir de le tester durant les vacances d’hiver 2018. Le jeu se déroule à heures fixes, il est possible d’y jouer sans inscription, mais il est vivement recommandé de réserver en ligne afin de s’assurer un accès à la salle. Le jeu est prévu pour 24 participants.
Concevoir un escape game à visée pédagogique pour un public d’âges et d’horizons variés est un véritable défi. Il faut en effet que chacun y trouve son compte, c’est-à-dire qu’il puisse participer et prendre plaisir à (re)découvrir les connaissances que les auteurs ont intégrées dans leurs énigmes. Défi relevé pour la Cité des Sciences et de l’Industrie : nous nous sommes bien amusés !
L’accueil se fait en dehors de la salle par deux médiateurs scientifiques. Première étape : la création des équipes. En fonction du nombre de participants présents, 2 à 4 équipes de 3 à 6 joueurs sont constituées. Le jeu semble suffisamment souple pour permettre des aménagements de dernière minute. Chacun de nous se voit remettre un badge au nom de son équipe (micro, nano, méga ou giga), donnant déjà une idée du thème des énigmes qui nous sont destinées.
Nous passons ensuite derrière le rideau où nous attend un sas… d’embarquement. Ici, pas de superflu, pas de décor ni de musique d’ambiance. Un des animateurs nous explique les règles et nous rappelle les consignes. Nous allons être enfermés et nous avons une heure pour résoudre les énigmes et trouver le code du cadenas de la malle qui contient la clé qui ouvrira la porte. Mais... au fait, pourquoi sommes nous enfermés et que se passe-t-il au bout d’une heure si on ne trouve pas le code ? Une vidéo d’introduction permettrait de générer un peu de tension et de nous plonger immédiatement dans l’univers du jeu. Nous pourrions être perdus dans l’infini ou chargés de rétablir l’équilibre de l’Univers en retrouvant la boucle de l’infini…
Nous entrons enfin dans la Chambre. L’atmosphère est sombre, la décoration minimaliste et l’espace bien pensé, avec quatre grandes tables et quelques objets scientifiques comme un télescope, un microscope, un squelette, mais aussi un mystérieux coffre. Nous sommes plongés dans le thème de l’infini. On note beaucoup d’espace vide dans cette pièce, ce qui s’avère nécessaire pour la circulation des 24 joueurs et permet d’éviter toute sensation désagréable de confinement.
Le jeu débute, le chronomètre est déclenché par nos game masters. On peut regretter l’absence de compteur visible par tous, qui permettrait une immersion plus grande, mais c’est un choix : le temps est parfois relatif dans La Chambre des deux infinis... On tend assez facilement à oublier le temps qui passe, ce qui rend l’ambiance plus sereine mais va à l’encontre du format du jeu avec chronomètre. Une bande-son, annonçant à intervalles réguliers la durée restante, pourrait être une bonne solution et relancerait aussi le stress du défi en cours de partie.
En premier lieu, chaque équipe doit retrouver sa table. Sur celle-ci sont placés des objets le long d’un chemin tracé directement sur le plateau. Certains indices y sont également dessinés. Pour toutes les tables : une première énigme dans une enveloppe qui concerne la Terre, point de départ de notre voyage vers l’infiniment petit ou l’infiniment grand. Les indices fournis permettent de trouver une des caractéristiques de notre planète bleue qui correspond au digicode de la première boîte. Dans celle-ci, les éléments pour la seconde énigme et une clé pour ouvrir un autre coffre contenant un peu de matériel : loupe, cordelette, lampe UV… [1]
Le chemin dessiné sur la table et la découverte successive des énigmes créent une linéarité dans le scénario. Elle est cependant brisée par moments car le jeu propose parfois deux énigmes en parallèle, liées entre elles, que les membres d’une équipe peuvent se répartir s’ils le souhaitent afin de gagner du temps. Il nous a été rapporté que les auteurs avaient initialement proposé un escape game avec imbrications, mais que ce prototype avait été écarté afin de simplifier le déroulé et la compréhension de l’ensemble. Les activités de type jeu de piste sont en effet plus faciles à gérer avec 24 participants et constituent un format plus adapté à un large public.
Étant donné l’effectif potentiellement important, l’étape de fouille est limitée ; cela nous est d’ailleurs annoncé dès le sas d’entrée. Cependant, certains objets peuvent être cachés sous la table. Il nous faut également quitter parfois notre zone pour utiliser certains appareils disponibles dans la salle, ou rechercher des indices sur les murs de la pièce. L’absence de fouille réelle, qui permet en temps normal de s’accaparer l’espace et de découvrir la salle, est palliée ici par la recherche de la table en début de jeu. Cependant cette quête n’est pas suffisante pour avoir une vision d’ensemble des lieux, car on a tendance à se focaliser sur les tables sans prêter une réelle attention au reste des éléments présents.
Les énigmes sont variées : simple observation, lecture, calcul, éléments masqués, comparaison, réflexion, logique… Elles sont relativement difficiles pour un jeune public. La Chambre des deux infinis est accessible dès l’âge de 12 ans, mais les auteurs comptent sur la présence d’adultes et des animateurs pour faire avancer le jeu. Nous avons pu tester cet escape game avec deux adolescents de 12 et 13 ans, et tous deux y ont trouvé leur compte et se sont bien amusés. Débloquer les cadenas, rechercher des indices dans la pièce, utiliser le télescope ou le microscope sont les éléments qu’ils ont le plus apprécié, de même que les moments de décodage ou de calcul pour le plus âgé. Pour les groupes scolaires, l’activité est proposée à la réservation pour les classes de la 5ème à la 2nde sous le titre « Vers l’infini et au-delà » et, pour les classes de 1ère et plus, sous le titre « Voyage vers les deux infinis » ; avec quelques ajustements dans le déroulement en fonction des niveaux. Pour un adulte, les énigmes constituent un vrai plaisir intellectuel, notamment s’il a déjà quelques notions scientifiques, mais ce n’est pas un pré-requis. Les indices fournis permettent généralement de venir à bout des énigmes, quitte à parfois demander un coup de pouce aux animateurs.
Impulser la collaboration dans un escape game n’est pas chose facile. Que dire alors avec une équipe de 24 joueurs qui ne se connaissent pas ? Bien qu’il nous ait été dit en début de jeu que cette collaboration entre équipes était nécessaire pour réussir, peu de situations nécessitent un réel travail commun des différentes équipes. Certes, à la fin il faut réunir les divers chiffres trouvés et échanger pour ouvrir le cadenas de la malle centrale, mais pendant la phase de jeu, la coopération s’est limitée à l’échange d’un document d’une table à une autre, voire a été absente. La collaboration peut se faire plus naturellement en fin de jeu : si une équipe termine son parcours rapidement, elle peut venir aider les autres groupes puisque son évasion dépend également de ce que trouveront les autres. Cependant, s’agissant de joueurs inconnus avec lesquels quasiment aucun contact n’a été nécessaire durant le jeu, cette arrivée impromptue de nouveaux participants à une table peut être vécue comme une intrusion par les deux bords, et se réalise donc difficilement. Cela dépend des personnalités des joueurs.
La constitution des équipes est une étape cruciale pour le bon déroulement de l’escape game et l’ambiance au sein des équipes. La difficulté ici est de faire jouer 24 personnes d’origines variées dont certaines se connaissent (groupes familiaux, amis…) et d’autres non. Pour une personne seule ou de petits groupes de deux ou trois personnes, devoir constituer une équipe de 6 avec des inconnus peut être un premier frein pour entrer dans le jeu. Un temps de présentation institutionnalisé avant le début de la partie pourrait aider à lever cette difficulté, ne serait-ce qu’en écrivant au feutre effaçable les prénoms sur les badges d’équipe. Cela permettrait aussi, en fin de jeu, d’identifier et nommer les personnes des autres tables.
Une fois la malle ouverte, nous trouvons la clé de l’infini qui est une intrigue à elle toute seule. Nous avons bien apprécié le mécanisme inventé pour ouvrir la porte de la salle. Cependant, un seul joueur l’utilise réellement, les autres ne faisant que l’observer et ne pouvant pas réellement agir. De plus, la serrure est hors de portée des enfants : seul un adulte peut l’actionner. Une amélioration possible du dispositif serait d’imposer l’intervention simultanée de différents acteurs (issus d’une même équipe ou de plusieurs) permettant une dernière collaboration dans le geste final. Un effet sonore amplifié à l’ouverture de la porte renforcerait l’idée d’évasion et la conclusion du jeu.
Les game masters sont ici des médiateurs scientifiques, aguerris à l’animation classique, qui abordent leur nouvelle fonction avec beaucoup d’enthousiasme. La vocation de cet escape game restant avant tout pédagogique, ils se positionnent en ressources scientifiques et sont très disponibles pour aider les participants. Cette présence est rassurante, mais peut aussi parfois être ressentie comme un peu envahissante. Lors d’un escape game, le plaisir de trouver dépend également de la difficulté, de la recherche, des essais/erreurs successifs. Parmi les médiateurs qui nous ont accueillis, certains ont parfois eu du mal à lâcher prise sur leur rôle classique et à se positionner en maîtres du jeu, en gardant la bonne distance et en guidant sans donner la réponse. Cette nouvelle fonction ne s’improvise pas, et demandera peut-être encore un peu d’entraînement à ces sympathiques jeunes animateurs !
C’est donc là un premier défi d’évasion scientifique très inventif auquel nous permet de participer la Cité des Sciences et de l’Industrie. L’atmosphère soignée et le contenu scientifique et pédagogique de qualité sont les points forts de ce serious escape game. Au vu du succès de cette première édition, la Chambre des deux infinis rouvrira ses portes de nouveau durant les vacances de printemps 2018. Gageons que cette première mouture sera à l’origine d’une série d’autres défis d’évasions, permettant une nouvelle approche des thèmes scientifiques proposés par la Cité.
[1] Ce matériel semble être présent sur toutes les tables même s’il n’est pas toujours utile, ce qui peut être frustrant pour certains joueurs.
le 18 mars 2018
Scénario annoncé | |
Amorce audiovisuelle | |
Final marqué | |
Organigramme | |
Scénario convergent | |
Imbrication | |
Étapes | |
Énigmes variées | |
Fouille | |
Puzzle | |
Cadenas | |
Outils numériques | |
Décor | |
Ambiance sonore | |
Effets spéciaux | |
Consignes réduites | |
Coups de pouce anticipés | |
Débriefing anticipé | |
Check-list proposée |
L’association Sème ta science a également tester la chambre des deux infinis et propose sur son site un retour d’expérience : La grande évasion scientifique